Du MoMA au Neue Nationalgalerie de Berlin, Musement se penche sur la Grande Guerre à travers 5 tableaux et le regard des artistes qui les ont réalisés.
À partir de la deuxième moitié du XXème siècle, pour la première fois de l’histoire, à travers les tableaux d’artistes mobilisés pendant la Première Guerre Mondiale, l’art abandonne sa tendance à exalter le courage et le patriotisme pour dénoncer l’horreur de la guerre, la violence et la déshumanisation. Et pour pouvoir exprimer la réalité crue et vraie, de nouveaux mouvements artistiques voient le jour ou s’affirment encore plus. Le Cubisme, l’Expressionnisme, la Nouvelle Objectivité et le Futurisme, voilà les courants majeurs de cette période représentés par cinq tableaux que nous avons sélectionnés pour vous.
1. La partie de cartes, Fernand Léger, 1917, Musée Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas
Alors qu’il se trouve sur le front et qu’il observe les soldats français qui tuent le temps dans les tranchées, Fernand Léger explique dans une lettre à son ami Louis Poughon: « A tous ces ballots qui se demandent si je suis ou serai encore cubiste en rentrant, tu peux leur dire que bien plus que jamais. Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre coins cardinaux». Et c’est aussi ce qu’il exprima en 1917, en réalisant La partie de cartes, alors qu’il est en convalescence. Les soldats représentés par des formes géométriques sont totalement déshumanisés, ils n’ont pas de visages et ressemblent plus à des machines ou à des robots qu’à des hommes. Le chaos règne dans le tableau, tout comme le rouge du sang, de la mort, de notre tragédie.
2. Explosion, George Grosz, 1917, MoMA, New-York
L’horreur et la violence de la guerre, la puissance des obus, des grenades et leur impact dévastateur, George Grosz y a assisté, dès 1914, alors qu’il est enrôlé en tant que grenadier. Il est réformé en 1917 mais la terreur cauchemardesque des scènes auxquelles il a assistées continue à le ronger. Cette terreur, il l’a exprimée à travers son art, dans des œuvres comme Explosion où il révèle à la lumière du jour cette réalité qui le hante. Pilier du mouvement de la Nouvelle Objectivité, George Grosz fait de ses œuvres de véritables témoignages politiques.
3. Train blindé en action, Gino Severini, 1915, MoMA, New-York
Il y a eu des artistes, comme Fernand Léger et George Grosz, qui ont vécu l’horreur de la guerre en personne et qui l’ont ensuite traduite à leur manière, à travers leur art. Et puis il y a d’autres artistes, comme Gino Severini, qui se sont inspirés du combat pour exprimer leur vision, parfois idéalisée, de la guerre et par conséquent de leurs idéaux politiques, sans pour autant avoir été mobilisés un jour. Ainsi en 1915, l’artiste italien a réalisé une série de tableaux sur le thème de la guerre en empruntant les codes du cubisme pour les concilier avec ceux du futurisme. Dans Train blindé en action, Gino Severini exalte la vitesse, le modernisme, l’artillerie lourde, la puissance mécanique dans une apologie de la machine de guerre.
4. La Guerre, Marcel Gromaire, 1925, Musée d’art moderne de la ville de Paris
Gromaire est l’un des rares artistes français à avoir représenter la Grande Guerre dans son œuvre. Il ne réalisa d’ailleurs qu’un seul tableau à ce sujet, La Guerre. Dans ce tableau exécuté sept ans après la signature de l’armistice, la violence et l’horreur de la guerre n’est pas montrée de manière crue. Dans la déshumanisation des soldats, on perçoit toutefois ici et là quelques bouts de leur peau mais leurs corps lourds et mécaniques évoquent les monuments aux morts, construits juste à la fin de la Grande Guerre.
5. Les Joueurs de skat, Otto Dix, 1920, Neue Nationalgalerie de Berlin
Si Gromaire s’est abstenu de dénoncer l’horreur de la guerre de manière sanglante, c’est loin d’être le cas d’Otto Dix, enrôlé dès le début de la guerre. Chef de file fondateur de la Nouvelle Objectivité et lié au courant expressionniste, la majeure partie de son œuvre se base sur les deux premières guerres mondiales et sur sa volonté de représenter la guerre telle qu’elle est, dans toute son horreur et dans toute sa violence. Il va jusqu’à dépeindre les conséquences de la guerre, comme dans son tableau Les Joueurs de skat dans lequel sont représentés des invalides de guerre.
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